Retour sur une décision de la Cour de cassation rendue en matière de droit des entreprises en difficulté et, plus particulièrement, de preuve de la qualité de dirigeant de fait dans le cadre d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Faits
Dans cette affaire, une société avait été mise en en redressement judiciaire, converti ensuite en liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire avait saisi le Tribunal en sollicitant la condamnation de la gérante de droit et du directeur commercial de la société, qualifié de gérant de fait, au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif. En première instance, un jugement avait condamné solidairement les défendeurs à payer la somme de 1 000 000 euros.
Saisie du litige, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait légèrement revu à la baisse le montant de la condamnation, tout en retenant comme fautes de gestion des infractions à la législation fiscale et sociale, ainsi que le défaut de tenue d’une comptabilité régulière.
Un pourvoi avait été formé contre cette décision, faisant valoir que la direction de fait n’avait pas été caractérisée et que le comportement procédural du directeur commercial dans cette affaire ne pouvait pas être assimilé à un aveu judiciaire.
Décision
Dans son arrêt du 5 octobre 2022 (n° 21-14.770), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au motif que la cour d’appel n’a pas constaté des faits précis de nature à caractériser une immixtion du directeur commercial dans la gestion de la société, ni que ce dernier aurait agi en toute indépendance en excédant ses fonctions, ni qu’il aurait fait l’aveu de certains faits.
La qualification de dirigeant de fait suppose en effet que la personne concernée ait accompli en toute indépendance des actes positifs de gestion et de direction de celle-ci, ce qui doit être étayé par des comportements nettement définis et probants.
Le simple fait que le directeur commercial ait contacté directement des vendeurs de véhicule n’est ainsi pas suffisant. Par ailleurs, son absence de contestation des conclusions d’appel du liquidateur judiciaire ne saurait constituer un aveu judiciaire, lequel n’est admissible que s’il porte sur des points de fait et non sur des points de droit.
Dès lors, si la preuve de la direction de fait est libre, il n’en demeure pas moins qu’elle doit être caractérisée précisément et que la simple reprise de la formule jurisprudentielle idoine est insuffisante pour fonder une condamnation.
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